• Le projet Mendel

    Le géologue et astrophysicien Zéphyr Mendel travaille dès 2133 à la conception d’un projet à la fois viable et rapide de biosphérisation de Mars. Bien que moqué par ses pairs durant les premières phases de ses travaux, voire qualifié par certains de fou dangereux, on l’accuse ainsi à plusieurs reprises de vouloir faire exploser Mars comme une orange trop mûre, le professeur Mendel continue de croire que l’accrétion forcée qu’il imagine est bien le meilleur moyen de parvenir à une biosphérisation de la Planète Rouge effective en moins de soixante ans, là où la plupart des autres projets envisagés s’étaleraient au minimum sur deux siècles. Il passe ainsi des années à peaufiner ses modèles et à parfaire ses simulations, et finit par présenter son projet à l’Alliance Fédérale Terrienne en janvier 2170.

    Ce projet, le professeur Mendel l'imagine scindé en deux phases distinctes, séparées, dans leur réalisation, par une période de repos.
    La plus délicate des deux, la phase un, consiste à doter Mars d'une atmosphère respirable par le biais de l'accrétion forcée dont le procédé est décrit ci-dessous.
    La phase deux consiste à amener de l'eau en quantité sur la surface de Mars afin d'y créer des océans, source tant de vie que de stabilisation du climat.

    Au terme d’audiences parfois très controversées s’étalant sur près de trois mois, le professeur Mendel réussit à convaincre les scientifiques du Bureau de recherche et développement de l’Alliance du bien fondé de ses théories. Mais le plus dur commence : il faut en effet convaincre les compagnies et colons implantés sur Mars d’évacuer la Planète Rouge durant la phase un du projet : les retombées sismiques de cette dernière seraient en effet à même de réduire en poussière toutes les colonies installées à sa surface. La grogne des compagnies est notamment la plus tenace, mais elle finit cependant par s’estomper lorsque plusieurs simulations démontrent l’efficacité du procédé envisagé : elles commencent alors à deviner le potentiel économique de ce projet, et acceptent de le laisser se conduire, malgré les arrière-pensées évidentes de l’Alliance quant à la re-colonisation de Mars…

    Ainsi, l’évacuation de la Planète Rouge commence fin octobre 2170. Des milliers de colons anxieux sont relogés sur Terre par l’Alliance, avec la promesse, aux yeux de certains encore peu rassurante, d’être les premiers à pouvoir revenir si la biosphérisation aboutit.

    Début février de l’année suivante, la phase un du projet Mendel démarre par la construction de réacteurs thermonucléaires répartis sur toute la surface de la planète, et plus particulièrement autour de l’équateur. A partir de ces réacteurs sont creusés en oblique des puits donnant jusqu’aux plus extrêmes profondeurs du manteau martien, à la surface même du noyau de la planète.

    Schéma explicatif du projet Mendel

    Le procédé d’accrétion forcée proposé par le professeur Mendel consiste à injecter par ces puits dans les profondeurs de la croûte martienne du plasma en fusion. Il se creuse ainsi une vaste poche de matière en fusion au-dessus de laquelle on aménage un autre puits, vertical, celui-là, permettant de déverser de grandes quantités de matière rocheuse prélevées dans la Ceinture d’Astéroïdes. Sous l’effet de la chaleur, cette matière fond et s’amalgame avec le magma de la croûte martienne tandis que la pression dans la chambre de fusion est maintenue de telle sorte que le volume ne peut se dilater. Il en résulte ainsi une augmentation significative de la densité du manteau de la planète. Cette augmentation de densité s’accompagne naturellement, selon les lois de Newton, d’une augmentation de l’attraction gravitationnelle exercée par la planète Mars. Les composés ferreux, dont une grande partie est directement extraite de la surface, amalgamés aux couches supérieures du noyau martien rétablissent également une partie de la puissance de son champ magnétique.

    Ces deux effets sont les plus recherchés : le premier permet à Mars de retenir une atmosphère plus volatile, le second de protéger cette dernière de l’érosion engendrée par les rayonnements solaires.

    La fusion des matières rocheuses provenues de la Ceinture d’Astéroïdes engendre d’importants dégagements gazeux : ces gaz sont évacués par plusieurs cheminées afin d’éviter que la pression n’augmente trop au cœur de la chambre de fusion et ne provoque une gigantesque éruption qui réduirait le projet et, peut-être, selon les estimations les plus pessimistes auxquelles le professeur Mendel n’accorde cependant aucun crédit, la planète elle-même à néant… Parmi ces gaz, on trouve de grandes quantités de vapeur d’eau résultant de la fonte de la glace contenue dans les astéroïdes comme dans le manteau de Mars. Sous l’effet de la chaleur, cette vapeur est craquée et se sépare donc en dihydrogène et en dioxygène. Afin d’éviter que les deux ne réagissent et explosent, le dihydrogène est capturée tout au long de la cheminée grâce à des pièges constitués de magnésium. L’hydrogène est ensuite récupéré sous forme d’hydrure et réinjecté dans les réacteurs pour alimenter la fusion. Le dioxygène est relâché dans l’atmosphère, contribuant ainsi à la rendre peu à peu respirable.

    Au terme de sept ans d’accrétion forcée, la masse de la planète Mars a ainsi augmenté suffisamment pour que son attraction gravitationnelle lui permette de retenir une atmosphère plus épaisse, laquelle engendre, par effet de serre, une élévation de la température moyenne en surface qui passe de façon spectaculairement rapide de moins soixante-trois à plus huit degrés Celsius. La proportion de l’oxygène dans l’atmosphère est également passée de 0,045% à 9%, ce qui rend l’atmosphère respirable, à quelques efforts près. Trois années sont ensuite consacrées à renforcer cette atmosphère et à continuer de l’enrichir en oxygène, tant par le relâchement gazeux lors de la fonte des glaces des météores que par l’action de cyanobactéries répandues sur toute la surface de la planète et qui, profitant de conditions climatiques plus favorables, transforment une partie du dioxyde de carbone atmosphérique en oxygène. En altitude commence à se former une couche d’ozone similaire à celle de la Terre qui, retenue par le champ magnétique produit par la nouvelle composition du manteau, protège l’atmosphère encore instable.

    Au sol, l’activité sismique s’est avérée particulièrement violente en réaction à l’accrétion forcée, mais moins que cela n’avait été envisagé. Certaines colonies avaient ainsi même été en partie épargnées par cette tumultueuse agitation.

    Dix ans après avoir débuté, la phase un du Projet Mendel fut considérée comme réussie, et les colons déplacés purent ainsi être réinstallés.

    Avant d’entamer la phase deux consistant à importer de l’eau de la Ceinture d’Astéroïdes pour créer des océans, cinquante années de repos se doivent d’être observées afin de permettre la stabilisation et l’étude de la nouvelle atmosphère martienne. Si l’activité est de nouveau autorisée sur la Planète Rouge, elle reste cependant fortement encadrée par le gouvernement de la nouvelle République Coloniale de Mars afin de veiller à ce qu’elle perturbe le moins possible l’évolution de l’atmosphère.

     

    A l’heure actuelle, après vingt-sept ans de repos, l’atmosphère martienne présente la composition suivante :

     

    2171

    2208

    Dioxyde de carbone

    96.00 %

    81.795 %

    Argon

    1.93 %

    1.87 %

    Azote

    1.89 %

    1.70 %

    Dioxygène

    0.145 %

    14.6 %

     

     

     

    Température moyenne en surface

    - 63°C

    11.3°C


    Ces résultats sont considérés, désormais à l'unanimité, comme particulièrement encourageants pour le futur de la Planète Rouge dont on estime déjà qu'elle ne mérite plus pour très longtemps ce surnom. Ils ont pour conséquence d'engendrer dès le début des années 2180 un afflux massif d'immigrants, portant le nombre d'habitants de la République Coloniale de Mars à près de douze millions à l'orée du vingt-troisième siècle.