• Le croiseur spatial

    Le concept du croiseur est né, à l’instar de la SSIA, au lendemain de la première intervention terrienne sur Mars. Cette première opération militaire interplanétaire a en effet révélé toute la difficulté d’acheminer et de débarquer des troupes en pleine zone de conflit depuis l’espace.

    Lors de cette opération, les Nations Unies avaient projeté leurs troupes à bord de simples vaisseaux de transport peu blindés et totalement dépourvus d’armement. Pris pour cibles dès l’engagement des forces terriennes et bien qu’escortés par plusieurs vaisseaux de combat, ils ne firent pas le poids face aux défenses terrestres et à la chasse ennemie, et le manque de couverture fit que plusieurs de ces vaisseaux, lourdement endommagés, durent se retirer du champ de bataille sans avoir pu débarquer leurs troupes et leur matériel.

    Il devint dès lors évident que la projection de troupes dans l’espace nécessitait des appareils plus robustes, mieux escortés et équipés afin de pouvoir riposter, voire soutenir depuis l’orbite le déploiement des troupes. C’est avec ce cahier des charges que la SSIA lança un appel d’offre à l’échelle mondiale le 30 décembre 2117.

    Le premier croiseur spatial fut construit par la Huerta Space Technologies, une compagnie espagnole. C’était en fait une version modifiée du plus gros modèle de vaisseau de transport commercialisé par cette entreprise, comprenant une coque plus épaisse, une soute mieux aménagée et plusieurs batteries d’artillerie lourde. Satisfaite par les premiers essais de ce modèle, la SSIA, devenue entre-temps l’Alliance Fédérale Terrienne, passa commande d’une dizaine de ces appareils dès fin 2118.

    Les croiseurs connurent leur premier baptême du feu en 2123 au cours de l’intervention de l’Alliance sur Ganymède, dans le conflit opposant la General Space Technologies et la Globocorp, mais le bilan fut mitigé. Si la plupart des croiseurs déployés parvinrent à débarquer leurs troupes malgré les bombardements massifs de l’ennemi, deux d’entre eux furent contraints de se retirer, illustrant leur faiblesse face aux escadrilles de chasseurs. Le concept du croiseur spatial fut donc retravaillé, et un nouvel appel d’offre fut passé dès le 25 mai 2123.

    Les nouvelles spécifications incluaient la nécessité de renforcer les capacités de défense antiaérienne des croiseurs et d’y ajouter la capacité d’emporter une ou deux escadrilles de chasseurs. L’appel d’offre fut cette fois remporté par une compagnie américaine, l’Overspace Corporation, et donna lieu à la construction du premier croiseur spatial sous la forme que l’on connaît maintenant.

    L’intervention suivante de l’Alliance sur Callisto en juin 2127 démontra la supériorité de ces nouveaux modèles de croiseur sur les anciens. Alors qu’un des croiseurs de la Huerta fut entièrement détruit par la chasse ennemie, ceux de l’Overspace tinrent bon, repoussèrent leurs assaillants, et mirent en déroute plusieurs des vaisseaux de combat des compagnies. Convaincue de l’efficacité de ces nouveaux croiseurs, l’Alliance passa d’importantes commandes en vue d’équiper toute sa flotte de ce nouveau type d’appareil.

    En le comparant aux navires de guerre des vieilles marines terrestres, le croiseur spatial est une combinaison de la capacité de projection des navires de transport, d’emport des porte‑avions, de détection et de lutte antiaérienne des croiseurs et de la puissance de feu et de la robustesse des cuirassés. Après l’expérience de plusieurs interventions dans les colonies, l’Alliance est persuadée que les contraintes du combat spatial et de la projection interplanétaire nécessitent en effet une telle polyvalence. Compte tenu des longues distances à parcourir, disposer d’un seul vaisseau capable d’accomplir la tâche de plusieurs est une substantielle économie qu’il est impossible de négliger.

    L’appellation « croiseur » est choisie sans aucun lien avec les navires du même nom des marines terrestres. Le croiseur spatial est uniquement désigné ainsi à cause de sa vocation à croiser sur de longues distances dans l’espace. Les croiseurs sont les vaisseaux les plus massifs et les plus redoutables des flottes de guerre spatiale, capables de transporter une grande quantité de troupes jusqu’à n’importe quel théâtre d’opération en toute sécurité grâce à leur impressionnante puissance de feu, leurs blindages résistants et l’escorte de leurs escadrilles de chasse.

    Afin de pouvoir débarquer leurs troupes dans les dômes des colonies, entreprise délicate si l’on n’a pas le contrôle des spatioports ou des accès terrestres, ou si le dôme en question n’en dispose tout simplement pas, les croiseurs sont équipés de manière à pouvoir relier leur soute d’embarquement directement à la paroi d’un dôme par le biais d’un tunnel étanche et résistant, ce qui permet ensuite d’ouvrir dans ladite paroi un accès vers l’intérieur du dôme. Ces dispositifs sont couramment surnommés « perceurs de coffre » à cause de leur principe de fonctionnement. Les soldats du génie peuvent ensuite très facilement installer des sas amovibles préfabriqués à ces ouvertures et ainsi permettre au croiseur de se désaccoupler et de re-décoller sans risquer de causer une dépressurisation du dôme.

    Face au succès de ces nouveaux modèles de vaisseau alignés par l’Alliance, les compagnies des colonies ne tardent pas à construire elles-mêmes leurs propres croiseurs pour en équiper leurs flottes. Les croiseurs des compagnies coloniales se distinguent essentiellement de ceux de l’Alliance par leurs trains d’atterrissage plus petits. Construits directement dans l’espace, ces vaisseaux ne requièrent en effet pas d’être lancés depuis un mass driver et ne nécessitent donc pas les trains plus robustes des croiseurs terriens. Ils ne peuvent pas non plus, le cas échéant, atterrir sur une planète à forte pesanteur, comme la Terre ou Mars. L’espace économisé par ces trains d’atterrissage plus petits est soit mis à profit pour augmenter la capacité d’emport du croiseur, soit totalement supprimé pour alléger le vaisseau et le rendre plus maniable.

    Si l’Alliance est à l’origine du concept même du croiseur spatial et fut la première organisation à en disposer au sein de ses flottes, les compagnies ne tardèrent pas à rattraper leur retard, et leurs croiseurs, développés avec bien plus de moyens, se révéleront rapidement beaucoup plus performants que ceux de l’Alliance.

    Différents modèles de croiseurs spatiaux